Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/190

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mme  Meyrin, la mère, blâmait sévèrement la conduite de son fils et n’osait venir chez sa belle-fille. Quant à Mme  Frantz, dont les sentiments envieux avaient fait tout le mal, elle se réjouissait secrètement des souffrances de cette grande dame étrangère, qui avait enlevé son beau-frère à sa tutelle intéressée.

Étant donné le tempérament de l’épouse abandonnée, cet isolement eut un résultat logique, fatal. Excellente mère par nature, elle se mit à adorer ses enfants avec une sorte de passion nerveuse, inquiète, maladive, que n’apaisaient pas les soins dont elle entourait sa fille ni les caresses qu’elle lui prodiguait.

On eût dit qu’elle voulait se venger d’avoir fait pendant trois ans le partage de son cœur. Plus encore que cela ne lui était arrivé jamais, elle songea, à partir de cette époque, à ceux qui étaient si loin, parlant sans cesse d’Alexandre et de Tekla, pleurant leur absence, aspirant à les revoir, ne fût-ce qu’une heure, un seul instant. Ces êtres adorés étaient l’unique objet de ses conversations avec Marthe et Dumesnil. Dans son innocente manie de citations poétiques, le brave comédien la comparait à Andromaque et à Niobé.

Sur ces entrefaites, la pauvre femme reçut de sa mère une lettre qui accrut encore son humiliation. Ayant appris à Ems, par des journaux français, l’aventure du boulevard de Clichy, la générale Podoï s’était empressée d’écrire à sa fille dans les termes les plus vifs. Sa missive se terminait par ces lignes :

« Il est vrai qu’il te reste la ressource de divorcer une seconde fois. Seulement, qui épouseras-tu ? Dieu seul sait jusqu’où tu pourras descendre. »

En prouvant bien à Mme  Meyrin que le cœur de sa mère, impitoyable dans son orgueil blessé, restait fermé pour elle, cette lettre si dure lui causa un immense chagrin, mais elle ne répondit à l’ex-comtesse Barineff que pour lui exprimer tout le regret qu’elle ressentait de ne pas avoir reçu des nouvelles de ses enfants, ainsi qu’elle avait coutume d’en envoyer, lorsque, de temps en temps, elle lui écrivait.