Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/191

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Puis, acceptant avec résignation la situation que lui faisaient les événements, elle ne s’occupa que de sa chère fillette, chassant toute pensée ne se rapportant pas à ceux qui, seuls, lui étaient demeurés chers, n’apercevant son mari que par hasard, quand il lui convenait de venir prendre place à table, ne lui adressant alors aucun reproche, ne s’intéressant plus même à ce qu’il devenait pendant ses longues absences. Comme elle l’avait dit à Dumesnil, son amour pour l’époux était bien mort ; l’étincelle dont la flamme aurait pu jaillir de nouveau sous le plus léger souffle de tendresse était à jamais éteinte en elle.

Hélas ! la triste isolée ne devait pas tarder à être frappée dans cet autre amour qui, seul, faisait maintenant vibrer tout son être. Ainsi que les loups, les malheurs vont en troupe ! Un matin, elle reçut de Saint-Pétersbourg une nouvelle lettre de sa mère dont la lecture lui fit jeter un cri de douleur. La générale lui disait sèchement qu’informée, par une dépêche de Véra Soublaïeff, que le prince Alexandre était gravement malade, elle partait pour Pampeln avec le docteur Psaroff.

Sans perdre une seconde, Lise adressa immédiatement à la fille du fermier d’Elva un télégramme pour la supplier de lui donner sans aucun retard, par la même voie, des nouvelles de son fils, et cela fait, elle passa toute la journée dans d’inexprimables angoisses. Vers cinq heures, elle faillit devenir folle en lisant la réponse de Véra :

« Arrivé hier soir avec Mme  la générale, le docteur refuse de se prononcer, mais nous espérons que Dieu exaucera nos prières et que nos soins sauveront votre fils. Je vous enverrai chaque jour une dépêche. »

Mme  Meyrin était tombée dans un fauteuil, en répétant à travers ses sanglots :

— Mon fils, mon enfant !

Soudain, elle se releva, courut à un petit meuble de Boule qui lui servait de secrétaire et, d’une main tremblante, écrivit :

« Monsieur, mon fils se meurt, je pars pour tenter de le sauver. »