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où, la fatalité agissant et les obstacles ayant disparu, les lois immuables de l’attraction et du désir mutuel jettent dans les bras l’un de l’autre ceux qui ne s’étaient qu’entrevus, s’étaient à peine voulus et se croyaient à jamais séparés.

Lise Olsdorf et Paul Meyrin subissaient à leur insu ce phénomène absolument physiologique.

Le soir même, lorsque le dîner les rapprocha de nouveau, il y eut entre eux un échange de regards qui les troublèrent, et le peintre, un peu gâté déjà par ses succès féminins, n’hésita plus un instant à penser qu’il plaisait à la princesse. L’amour-propre aussitôt s’en mêla. Jusqu’alors ses conquêtes n’avaient pas été d’un ordre aussi élevé, et il s’imagina bientôt qu’il adorait Lise Olsdorf. Il la désirait tout simplement, autant par orgueil que par passion.

Malheureusement Paul ignorait tout à fait comment s’y prendre pour faire la cour à une « grande dame ». Il avait bien entendu soutenir, par un ami sceptique, ce paradoxe que le meilleur procédé dont on peut user à l’égard des femmes est de les traiter par les contrastes : les égards, les prévenances, les déclarations timides et romanesques pour les filles, et tout l’opposé pour les femmes du monde ; mais il se disait que si ce dernier moyen était bon, et il l’est hélas ! trop souvent, grâce à nos mœurs d’aujourd’hui, il y croyait peu et ne se sentait en tout cas aucun goût pour jouer le rôle d’un homme grossier. Il ne lui semblait pas d’ailleurs que la princesse fût de tempérament à se laisser manquer de respect. Sans ne s’arrêter alors à aucun système, il se décida à attendre qu’une occasion favorable s’offrit à lui.

Quant à Lise Olsdorf, sans se rendre bien compte de ce qu’elle éprouvait, elle se sentait si vivement attirée vers le bel étranger que, craignant de se trahir, elle fut, pendant le repas, moins aimable pour lui qu’elle ne l’était d’ordinaire pour les hôtes nouvellement arrivés au château, et qu’elle ne vit pas venir sans une certaine appréhension ce moment adorable où, selon la mode russe, la maîtresse de maison, placée sur le seuil de la salle