Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/40

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Les derniers rayons du soleil traversaient à peine la muraille de verdure que formaient les grands arbres de l’avenue ; l’air était tiède, chargé d’électricité et imprégné des parfums balsamiques des sapins de Norvège ; on n’entendait dans les massifs que le bruissement des feuilles et les préludes encore timides, longuement espacés, des oiseaux du soir. Il régnait sous ces ombrages embaumés une sorte d’harmonie poétique, un calme troublant comme la nature seule en a le secret.

— Qu’avez-vous donc de si intéressant à me dire ? fit la princesse après un moment de silence.

— J’ai une prière à vous adresser.

— Une prière ! Laquelle ?

— Celle de poser devant moi pendant quelques heures.

Qu’elle s’attendit ou non à cette proposition, la châtelaine de Pampeln tressaillit.

Et comme elle ne répondait pas, le peintre ajouta :

— Vous ne voulez pas que je fasse un chef-d’œuvre ?

Il avait prononcé ces mots avec un accent si chaud, si exalté que, s’arrêtant brusquement, plongeant pour ainsi dire ses yeux dans ceux de son interlocuteur, la jeune femme lui dit d’une voix ferme et vibrante :

— Vous m’aimez, monsieur Meyrin, voilà ce que dissimule mal votre requête !

— Madame !

— Laissez-moi continuer. Nous ne sommes ni l’un ni l’autre deux timides n’osant appeler les choses par leur nom ; nous ne sommes ni l’un ni l’autre deux lâches prêts à fuir devant le danger. Vous m’aimez ou vous croyez m’aimer, et vous pensez que dans le tête-à-tête des séances que vous me demandez, l’occasion vous sera facilement offerte de me parler de votre amour. Mais si je ne vous aime pas, moi ! Si, regardant vos déclarations comme des outrages, je vous fais chasser par mes gens, que ferez-vous ? que direz-vous ? que deviendrez-vous ? Penserez-vous encore à ce chef-d’œuvre qui n’est qu’un prétexte ?

Lise Olsdorf était superbe d’énergie en s’exprimant de