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manqué de promettre à Sarah de l’aimer toujours et de revenir bientôt.

La jeune femme avait alors pris son parti de l’absence de Paul, mais elle l’oublia si peu qu’elle lui tomba dans les bras moins de vingt-quatre heures après sa rentrée à Paris. L’artiste essaya de résister ; mais, pour la repousser, il eût fallu lui dire qu’il en aimait une autre. Or il n’avait osé le faire. De plus, il était jeune, ardent, et le modèle était une superbe créature, toute de feu, qui lui rappelait en brune la princesse Olsdorf. Il se tut, céda, et leurs relations recommencèrent comme autrefois.

De temps à autre, lorsqu’une lettre de Lise lui était arrivée, par exemple, Paul avait bien quelques remords, mais il n’osait rompre de nouveau, ne croyant pas d’ailleurs que la princesse pût jamais tenir sa promesse de venir le rejoindre en France.

Les choses en étaient là lorsqu’il reçut le télégramme qui lui annonçait que, dans quarante-huit heures, elle serait près de lui.

À cette nouvelle, il perdit un instant la tête. Certes l’arrivée de Lise, en réveillant tous ses désirs, lui causait une joie immense, mais il se demandait avec terreur ce qu’il fallait faire de Sarah. Bien évidemment la princesse voudrait voir son atelier, elle y ferait de longs séjours, et comme il lui serait à peu près impossible d’en exclure tout à fait la maîtresse, les deux femmes ne tarderaient pas à se rencontrer. Il était aisé de prévoir ce qui arriverait alors. Lise n’était pas de tempérament à s’effacer ; il savait par expérience combien elle craignait peu de se compromettre, et, d’un autre côté, Sarah n’était pas fille à céder complaisamment la place, surtout lorsqu’elle se verrait en lutte avec une femme du monde.

Paul était si troublé à la perspective de ce conflit, qu’il n’imagina pas autre chose que de faire part de sa situation à son frère. C’était consulter un aveugle à propos de couleurs. Frantz ignorait le premier mot des passions, et, par conséquent, n’admettait pas comme réelles les difficultés du genre de celle qui lui était soumise.