Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/84

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laconisme, était plein de menaces d’autant plus sérieuses qu’elle étaient moins définies, la princesse passa la lettre à Paul.

Celui-ci en prit rapidement connaissance et, non moins effrayé que sa maîtresse, il lui demanda :

— Qu’allez-vous faire ?

— Je ne sais

— Recevrez-vous le prince ?

— En pourrait-il être autrement ?

— Si nous rentrions chez vous ?

— Non pas ! On m’a vue recevoir cette lettre, notre départ semblerait singulier et mon retour à la maison surprendrait trop mes gens pour ne pas exciter leur curiosité. Après le spectacle, nous aviserons.

Et, reprenant sur le devant de la loge l’attitude sérieuse qu’elle avait toujours au théâtre, la princesse Olsdorf parut oublier la terrible nouvelle qu’elle venait de recevoir.

À la pensée de la lutte qu’elle allait entreprendre, à l’idée des dangers qui la menaçaient, à la veille du drame conjugal dont elle était l’héroïne, la nature de comédienne qu’elle tenait de sa mère et de son véritable père se réveillait pour la révolte et la ruse. Elle eût pu craindre la violence de Pierre, mais puisqu’il lui écrivait qu’elle n’avait rien à en redouter, peu lui importait le reste, pourvu toutefois qu’on ne la séparât pas de celui qu’elle aimait. Or, comme elle était prête à tout, sauf à ce sacrifice, le calme lui était revenu subitement.

Quant à Meyrin, il était moins tranquille. Plus que ne paraissait le faire son amie, il songeait au lendemain. Le prince allait-il forcer sa femme à se retirer dans quelque couvent, loin de Paris, hors de France ? À lui, l’amant, le mari demanderait, sans aucun doute, réparation de l’outrage fait à son honneur ! Or le peintre, sans être un lâche, n’était pas du tout un duelliste. À peine savait-il tenir une épée et, il en avait fait l’expérience, sur dix balles, il en envoyait d’ordinaire, au visé, neuf loin du carton. Enfin, il aimait Lise autant que le lui permettait son égoïsme. C’était une maîtresse qui flattait son