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Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/85

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amour-propre et ne lui coûtait rien. Nous pourrions dire qu’elle lui rapportait au contraire, puisque, ainsi que nous l’avons vu, elle comblait de cadeaux tous les Meyrin et ne laissait échapper aucune occasion de lui offrir soit un bijou, soit un bibelot de valeur.

Et cette fillette de quelques semaines à peine que le prince repousserait de son foyer, Paul ne la voyait pas sans effroi rester à sa charge, car le sentiment paternel existait peu en lui, et il ne se dissimulait pas que sa mère, Mme Meyrin, refuserait absolument d’en prendre soin. Prévoyant des discussions sans fin, mille ennuis dans sa famille, il oubliait complètement, en ne songeant qu’à lui-même, ce que la princesse aurait peut-être à souffrir.

C’est dans cette situation d’esprit que l’égoïste assista aux deux derniers actes du chef-d’œuvre d’Hérold, e quand, ayant accompagné sa maîtresse, rue Laffitte, il se retrouva dans ce petit salon où, depuis plusieurs mois, il avait passé tant de bonnes heures, il se sentit envahi par une profonde tristesse.

Lise Olsdorf, qui l’avait laissé seul pour se faire déshabiller par sa femme de chambre, revint bientôt, enveloppée dans un long peignoir de velours bleu, mais lorsqu’elle s’agenouilla devant lui pour poser sa tête sur ses genoux, il sortit à peine de sa torpeur.

La princesse rompit le silence la première.

— Voyons, lui dit-elle, il ne faut pas nous laisser abattre ainsi. D’abord, quoi qu’il arrive, rien ne nous séparera. Tout excepté cela !

— Bien vrai ! s’écria l’artiste avec tendresse.

— Oh ! je le jure. Le prince pourra bien menacer à son aise. Me séparer de toi !

Elle avait prononcé ces mots avec la passion sauvage qu’elle ressentait. En ce moment, tout trahissait en elle ce phénomène physiologique qui fait trop souvent de la femme la plus distinguée, la courtisane servile de l’homme dont race, éducation et délicatesse de sentiments semblaient la séparer.

Rassuré par ce cri des sens, comprenant que l’affolée était bien toujours à lui, corps et âme, Paul l’avait