Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/92

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

homme : il me rend ma fortune et me laisse même notre hôtel de Saint-Pétersbourg, son cadeau de noces. Comme nous allons être heureux ! Vivre près de toi, ne plus te quitter ! T’aimer librement, ouvertement, en face de tous ! Et cela, toujours, toujours !

La malheureuse femme ne voulait plus rien voir du passé. Dans les bras de l’adoré, elle oubliait tout : ces souvenirs qu’elle avait évoqués quelques instants auparavant, la haute situation sociale qu’elle allait quitter, sa mère, même son fils.

Le beau Roumain était plus calme. Cet avenir qu’il n’avait jamais entrevu, cette responsabilité qu’il allait assumer, ce rôle nouveau qu’il était appelé à jouer, tout cela l’effrayait un peu, non qu’il n’aimât pas vraiment celle qui s’était donnée à lui, mais se marier, prendre charge d’âmes, d’amant devenir époux, père de famille, c’était là chose grave qui lui semblait mériter quelque réflexion.

— Tu ne me dis rien ? interrogea la princesse en plongeant avec une certaine inquiétude ses regards dans ceux du peintre. N’es-tu pas heureux ?

— Peux-tu penser le contraire ? répondit Paul, mais tu dois comprendre quelle est ma surprise. Tu avoueras que je ne pouvais guère m’attendre à ce qui arrive. Je craignais que ton mari n’usât de violence envers toi, et je comptais si bien sur sa visite que j’ai fait prévenir deux de mes amis.

— Pour te servir de témoins ! Un duel ! s’écria Lise Olsdorf, en l’enveloppant de ses bras. Oh ! si j’avais supposé à Pierre une semblable pensée, il ne serait pas sorti vivant de chez moi !

— Folle ! chère folle ! dit Meyrin en répondant à cette étreinte passionnée. Mais, en attendant ce divorce, que vas-tu devenir ? Comment allons-nous vivre ? Le prince ne va-t-il pas te forcer à quitter Paris ?

— Non, je ne le pense pas.

— Et Tekla, t’en a-t-il parlé ?

— Il sait que cet enfant n’est pas de lui, et je n’ai pas essayé de le tromper.