Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/93

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— Peut-être va-t-il vouloir nous l’enlever ?

La princesse se redressa brusquement. Elle était devenue toute pâle.

C’est que cette épouse adultère était une excellente mère. Deux ans auparavant, alors que son fils était atteint d’une maladie contagieuse, elle l’avait soigné avec un dévouement qui avait fait l’admiration de tous, et elle adorait doublement l’enfant de sa faute.

— M’enlever ma fille, m’en séparer ! s’écria-t-elle. Oh ! non, ce n’est pas possible, Pierre n’a pas cette pensée. Il ne peut la désavouer, car la conséquence de ce désaveu serait une demande de divorce contre moi ; mais il me laissera Tekla. Qu’en ferait-il ? Il ne saurait l’aimer ! Nous sommes vraiment fous tous les deux !

Le peintre s’efforça de calmer Lise et ils s’arrêtèrent à ce plan : attendre les événements afin d’agir en conséquence, et conserver secret pour tout le monde ce qui se passait.

Paul Meyrin tenait peu d’ailleurs à mettre les siens au courant de la phase nouvelle dans laquelle entraient ses amours, car il pressentait l’opposition que sa mère et sa sœur, sa sœur surtout, feraient à son mariage. Quoi qu’il n’eût jamais rien dit de précis à ce sujet à ces deux femmes, il était de toute évidence qu’elles n’ignoraient pas la nature de ses relations avec Lise Olsdorf, et qu’elles savaient fort bien qui était le vrai père de la petite Tekla. Si les Meyrin recevaient chez eux la maîtresse inavouée de Paul, c’est que leur amour-propre était flatté et qu’ils avaient tout intérêt à lui faire bon accueil. Sous le prétexte qu’elle adorait les artistes et qu’elle avait le droit de se conduire à Paris comme elle se serait conduite en Russie, elle comblait de cadeaux tous les Meyrin, petits ou grands. Son amour ne leur coûtait donc rien, au contraire ! Comme par le passé, le jeune homme habitait dans sa famille, dont il partageait les dépenses, donnant, lui aussi, généreusement, comptant d’autant moins qu’il n’avait aucune charge et qu’il gagnait beaucoup d’argent.

Chez les Meyrin, surtout chez Frantz, il n’y avait cer-