Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/99

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Cependant, avec ce don curieux d’assimilation que possèdent toutes les femmes, Véra n’était ni gênée ni empruntée dans ce rôle si nouveau pour elle, le jouant naïvement à ravir. Jusque-là, elle n’avait été qu’adorablement jolie ; sa transformation la faisait remarquablement belle.

Aussi, ce soir-là, quand elle parut à l’Opéra, fut-ce un mouvement d’admiration. Tous les regards se fixèrent sur elle, qui ne s’en inquiéta pas autrement, tout entière au spectacle féérique qu’elle avait pour la première fois sous les yeux. Assis au second rang de la loge, Pierre semblait jouir de son triomphe, et ce fut à son bras que la jeune fille descendit l’escalier, pour traverser les rangs de la foule, au milieu d’un murmure flatteur.

Le lendemain, tous les journaux parlaient de la nouvelle et resplendissante étoile qui venait d’apparaître dans le ciel parisien. On ignorait son nom, mais on citait celui du prince, en ajoutant malicieusement que la princesse n’accompagnait pas son mari.

Pierre Olsdorf avait atteint le but qu’il s’était proposé en se montrant au théâtre avec la fille de Soublaïeff. Pour les amateurs de scandale, le grand seigneur russe prenait tout simplement sa revanche. Il ripostait à sa femme et à Paul Meyrin par une des plus ravissantes maîtresses qu’on pût rêver.

Néanmoins, au milieu de ce luxe qui l’entourait, aux prises avec cette existence nouvelle qui, parfois, lui causait encore un peu d’effroi, une chose semblait incompréhensible à Véra ; c’était l’attitude étrange que son maître avait auprès d’elle. Si complète que fût son ignorance de la vie et des passions, cela la frappait à chaque instant davantage, en ouvrant son esprit à des pensées qui troublaient le calme et la virginité de son âme.

Devant ses gens ou lorsqu’ils étaient ensemble dans un endroit public, sous les regards curieux de tous, Pierre Olsdorf se montrait empressé, tendre, heureux, tandis que lorsqu’il se trouvait seul avec elle, tout en restant affectueux et bon, il redevenait grave, presque froid.

Véra, qui ne s’était pas dit une seule fois que le