Page:René de Pont-Jest - La Bâtarde.djvu/103

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Richard Berney d’une passion presque brutale et sauvage, elle l’eût quitté brusquement, sèchement, sans une larme, sans un regret. Elle le haïssait parfois comme elle haïssait sa mère, comme elle se haïssait elle-même ; sa mère, parce qu’elle l’avait laissée tomber ; son amant, parce qu’il n’avait pas un nom illustre et une grande fortune à lui donner ; elle-même, enfin, parce qu’elle se reprochait la faute inutile qu’elle avait commise en cédant au premier entraînement de son imagination et de ses sens.

Cette liaison de mademoiselle Berthier avec Richard inquiétait M. de Martry, aussi bien pour l’un que pour l’autre, car il avait retrouvé dans M. Berney, que Gabrielle s’était empressée de lui présenter, le fils d’un ancien camarade de collége, et il avait compris que la charmeresse étouffait l’artiste.

Tout à cette passion dominatrice qui flattait son orgueil, énervait son cerveau, épuisait son être, Richard, en effet, avait abandonné les travaux sérieux. Pour satisfaire aux fantaisies luxueuses de sa maîtresse, les rentes viagères qu’il possédait n’étant pas suffisantes, il s’était livré à ce mercantilisme honteux de l’art que notre époque doit aux fortunes rapides et au mauvais goût des parvenus.