Page:René de Pont-Jest - La Bâtarde.djvu/216

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qu’à l’avenir de celles qu’ils achètent ; le présent leur suffit. Leur cœur est plus invulnérable que leur caisse. Or, bien que Gabrielle ne fût pas tombée aussi bas que la plupart des courtisanes en renom, bien qu’elle eût conservé, dans ses allures et dans ses relations, un certain respect d’elle-même, et quelle que fût enfin sa puissance sur le prince, celui-ci cependant ne lui faisait ni l’honneur ni l’aumône d’une jalousie rétrospective. Il ne s’inquiétait des actions de sa maîtresse qu’autant que le lui commandaient son orgueil et son habitude du commandement, restant sur tous les autres points : liberté relative et question d’argent, un véritable grand seigneur.

Le prince Romanoff aurait donc parfaitement compris que mademoiselle Berthier emmenât sa fille, ou plutôt ce fait l’eût laissé dans une indifférence complète ; mais la présence de la petite Jeanne aurait pu gêner sa mère, et celle-ci avait préféré mettre l’enfant en pension.

Le hasard, une fois de plus, avait favorisé mademoiselle Berthier, car madame Brétigny, qui dirigeait la maison d’éducation où elle avait placé sa fille, était une bonne et charmante femme, dont le cœur s’était subitement ouvert en faveur de cette pauvre petite si délaissée.