Page:René de Pont-Jest - La Bâtarde.djvu/36

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la dunette, soit dans la chambre commune, elle se rapprochait de quelque autre passager, afin d’éviter une conversation trop intime.

Mais, en revanche, lorsque, dans les réunions du soir, on se groupait pour causer ou faire de la musique, Gabrielle était plus brillante que jamais. Son esprit très cultivé, un peu paradoxal, donnait un tour piquant aux choses dont on parlait, et c’était sans se faire prier qu’elle se mettait au piano pour chanter, en s’accompagnant elle-même, les plus beaux morceaux des opéras modernes.

Sa superbe voix de contralto, fort habilement conduite, rendait avec une vigueur étrange la passion de Léonor, la tendresse d’Odette, l’exaltation de Mathilde.

Cette interprétation des grands maîtres, au milieu de l’immensité, sous un ciel parsemé d’étoiles, avec le murmure des vagues comme accompagnement, avait un charme puissant, inexprimable.

Aux accents de la jeune fille, l’équipage quittait le gaillard d’avant pour se rapprocher de la dunette, et ces hommes naïfs, séduits par l’amour naturel du beau, accroupis sur le pas des portes de la chambre, penchés sur les claires-voies et les sabords, formaient un auditoire respectueux et