Page:René de Pont-Jest - La Bâtarde.djvu/59

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sements des membrures du navire, qui filait toutes voiles dehors.

La brise restait régulière, mais le ciel s’était couvert. La mer devenait phosphorescente, et le sillage du léger bâtiment s’étendait au loin comme une ligne de feu.

Ce fut Gabrielle qui, la première, reprit la parole.

— Pardonnez-moi, mon ami, le mal que je vous fais, dit-elle à Paul d’une voix douce, mais je souffre autant que vous.

— Vous souffrez ? vous ! demanda M. du Longpré avec un sourire d’incrédulité et en relevant la tête.

— Pensez-vous que je sois insensible, reprit la jeune fille, et supposez-vous donc que ce n’est pas une cruelle douleur que de croire à un amour auquel on ne peut répondre ?

— Vous croyez donc que je vous aime ?

— J’en suis certaine !

— Eh bien ! pourquoi ne m’aimeriez-vous pas vous-même ?

— Parce que je ne puis vous aimer, parce que je ne le dois pas.

— Vous ne pouvez, vous ne devez pas m’aimer !