Page:René de Pont-Jest - La Duchesse Claude.djvu/187

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Qu’il regrettât le parjure de Robert, qu’il déplorât sa conduite, qu’il craignît pour l’avenir de la duchesse, cela était tout naturel, car il était impossible qu’il ne s’y intéressât point.

Mais pourquoi ne lui suffisait-il pas d’être mécontent ? Pourquoi ne cherchait-il pas avec plus de calme quel remède il pouvait apporter au mal ? Pourquoi cet époux d’une femme si digne d’être adorée lui semblait-il encore plus sot que misérable ? Au lieu de ne songer qu’aux qualités morales de Claude, comment se faisait-il qu’il pensait surtout à sa beauté et au bonheur que donnerait sa tendresse ?

Ses colères contre le mari se transformaient à chaque instant en de troublantes pitiés pour la femme, et quand il en arriva à étudier quel phénomène psychologique se passait en lui, détournant ainsi ses réflexions du cours qu’il voulait leur imprimer, il fut bien forcé de s’avouer qu’un amour fatal, terrible, puisqu’il était sans issue, menaçait de s’emparer de tout son être.

Qu’allait-il devenir dans sa lutte contre cette passion ? Pourrait-il s’en rendre maître ? Devait-il fuir au contraire, disparaître à jamais ?

Mais fuir, ce serait laisser Claude sans défenseur ! Ce serait manquer au serment qu’il lui avait fait, qu’il s’était fait à lui-même. Que penserait-elle de lui ? Qu’en penserait également Mme  Frémerol ?

Pour ces deux femmes, qui avaient si complètement le droit de compter sur son dévouement, il ne serait plus qu’un lâche et plus peut-être encore : le complice de celui auquel il les avait livrées toutes les deux.