Page:René de Pont-Jest - La Duchesse Claude.djvu/203

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après dix minutes de conversation, il lui dit brusquement, en affolé qui a pris son courage à deux mains :

— Madame, la première fois que je vous ai vue, votre beauté m’a causé une impression que je ne saurais vous exprimer, et depuis ce jour-là, j’ai tenté vainement de vous oublier. Vous êtes prête à payer deux cent mille francs un terrain qui m’appartient. Laissez-moi le temps de faire construire sur ce terrain un hôtel digne de vous et, cela fait, en échange seulement de votre portrait, je mettrai à vos pieds les actes de propriété du terrain et de l’hôtel.

Si accoutumée qu’elle fût aux hommages et aux propositions peu dissimulées sous des périphrases, la jeune femme demeura un instant stupéfaite, et peut-être allait éclater de rire au nez du pauvre Berquelier, lorsqu’elle comprit, à son attitude soumise, à ses regards suppliants, qu’elle n’avait pas affaire là à un prétendant vulgaire, mais à un brave homme sincèrement amoureux, et qu’il était intelligent de ne pas le désespérer tout à fait.

Aussi répondit-elle en lui tendant gracieusement la main :

— Cher monsieur, je serais un peu ridicule si je me fâchais ; je repousse votre offre toute spontanée, toute flatteuse qu’elle soit, mais, si vous le voulez, nous serons bons amis, et alors, amicalement, j’aurai le droit de vous offrir mon portrait au lieu de vous le vendre.

Berquelier accepta avec joie et, de cette bonne amitié-là, il est facile de deviner ce qui résulta bientôt.

La liaison de Geneviève et de Raymond était une association d’intelligence plutôt qu’autre chose ; de plus, l’artiste, fort ambitieux, savait qu’il était néces-