Page:René de Pont-Jest - La Duchesse Claude.djvu/214

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qui étaient les baignoires du bagne, et cela fait, il dut remplacer les vêtements avec lesquels il avait voyage par la livrée d’infamie : une casaque de moui rouge avec un collet jaune, collet spécial aux condamnés à vingt ans un pantalon de drap jaune, fendu sur le côté, pour laisser passer la chaîne, et fermé par des boutons ; une chemise de grosse toile et un bonnet rouge, sur lequel était fixée la plaque de fer-blanc, portant, découpé, son numéro : 2817.

Le bonnet vert était réservé aux forçats à vie.

Cependant, malgré tout le calme dont il avait fait provision, le malheureux n’en sentait pas moins son cœur battre à rompre sa poitrine à chacun de ses premiers pas dans sa honteuse existence nouvelle, mais sachant qu’il avait à subir bien d’autres épreuves plus épouvantables encore, son courage ne faiblissait pas.

Aussi ne trahit-il même aucune surprise lorsque l’adjudant de la chiourme lui ordonna de se présenter au ferrement.

Alors, obéissant aux indications qui lui étaient successivement données, et ne faisant qu’imiter d’ailleurs ce qu’il venait de voir exécuter par ses compagnons de route, Jean s’étendit, le genou ployé, sur un grand banc de bois, dans la partie évidée duquel il plaça le bas de sa jambe gauche ; le chapoulier — c’est le nom du forçat chargé de cette triste besogne — lui passa à la cheville un anneau, ou manille en acier, et il introduisit dans le trou de cette manille un boulon, qu’il riva à froid, à l’aide d’un lourd marteau lancé à toute volée, et dont la moindre déviation aurait estropié le patient pour toute sa vie.