Ce retour de Pierre à l’ignoble langage du bagne n’émut pas Mourel ; il était trop entièrement à son projet pour y faire attention. Aussi répondit-il aussitôt à son ami :
— C’est mon idée fixe de me sauver.
— Et les cognes ? Tu sais que si tu es paumé, ça sera le rappel au pré, avec le gobelet, les tartoufles, la double cadelle, le boye, etc., etc. (Et les gendarmes ? Tu sais que si tu es repris, ce sera ta rentrée au bagne, avec la prison, les menottes, la double chaîne, la bastonnade, etc., etc.)
— Je suis décidé à tout risquer pour recouvrer ma liberté.
— Alors risquons tout ! Je ne flancherai pas ; je ne crains pas plus que toi la camarde. (Je ne reculerai pas, je n’ai pas plus que toi peur de la mort.)
— Tu veux aussi t’évader ? Réfléchis, tu n’as plus que trois ou quatre ans à faire. Je ne voudrais pas t’entraîner dans mon malheur, si je ne réussis pas.
— Assez dévidé ! (Assez causé.) Est-ce que je puis me séparer de toi ! Quel est ton plan ?
— Fort simple. Nous descendrons le Maroni jusqu’à la mer, et une fois arrivés sur la côte hollandaise, nous remonterons jusqu’à la Guyane anglaise.
— À la nage ?
— Imbécile ! C’est demain dimanche, nous serons libres de nous promener toute la journée ; je te montrerai notre navire.
— Ah ! j’aime mieux ça !
— Avant huit jours nous serons loin, je te le promets. En attendant, dormons.
Un quart d’heure après, Pierre, insouciant et plein