Page:René de Pont-Jest - La Duchesse Claude.djvu/277

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Quelques instants après, ils étaient installés en face l’un de l’autre dans un des petits salons du premier étage, et certes, en voyant en tête à tête, devant une table luxueusement servie, cet homme jeune, élégant, et cette femme remarquablement belle encore malgré ses quarante ans, on n’aurait jamais supposé le véritable motif de leur réunion.

Du reste, Mme  Frémerol dissimulait en partie ses terreurs. Elle ne voulait pas cesser d’être aux yeux du docteur l’héritière menacée dans sa fortune, pour devenir ce qu’elle était réellement : l’épouse légitime d’un mari forçat qui avait le droit de la contraindre à reprendre la vie commune, et la mère d’une fille adorée, dont l’honneur et le repos étaient entre les mains d’un échappé du bagne.

C’est que la pauvre femme, avant de rejoindre Paul, était allée chez son avoué, et qu’après l’avoir entretenu d’abord de quelques affaires d’argent, comme si c’eût été là le but unique de sa visite, elle l’avait entraîné adroitement sur un autre terrain, ce qui lui avait permis de se renseigner exactement sur certains articles du code pénal et du code civil qui l’intéressaient directement.

Quant à Guerrard, ravi d’être utile à Geneviève, il s’efforçait de la convaincre qu’elle était seulement l’objet d’une tentative de chantage dont les conséquences pécuniaires seraient peu sérieuses, que cette fâcheuse aventure ne ferait aucun bruit, et, si préoccupé qu’il fût lui-même, il faisait tout pour la distraire.

L’ancienne maîtresse de Berquelier eut le courage héroïque d’écouter le docteur et parfois même de sourire, et le dîner s’était ainsi prolongé jusqu’à huit