Page:René de Pont-Jest - La Duchesse Claude.djvu/414

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— Ah ! tu arrives bien, s’écria-t-il ; viens que je te raconte ce qui se passe ici.

Il entraîna le docteur dans le fumoir, où il reprit aussitôt :

— Mais que je suis bête ! Avec ça que tu n’es pas au courant de tout, toi, l’intime de Mme  Frémerol.

— Je te jure, mon cher, répondit Paul, que si je sais beaucoup de choses, je ne me doute pas du moins de ce dont il s’agit en ce moment.

— Tu ne sais pas que la duchesse demande sa séparation de biens ?

— Sa mère m’a dit a Villerville que c’était là son intention, mais depuis son retour à Paris elle ne m’a parlé de rien.

— Et tu trouves cela tout simple ?

— Je ne prétends pas que ce soit absolument simple, mais c’est peut-être prudent.

— Ah bah ! toi aussi !

— Dame ! mon cher, en moins de trois ans tu as mangé près de deux millions ; ta femme n’a pas envie que vous vous trouviez sans le sou un de ces matins ! Tu sais bien que ce ne serait pas long ! Que deviendrais-tu ? Tu m’avoueras que, vraiment, tu n’es guère raisonnable. Oh ! je ne te parle que de tes fredaines galantes ; je te pardonnerais toutes les Morton de la terre pourvu qu’elles ne te coûtent pas aussi cher que Léa. Laisse donc aux vaniteux enrichis le privilège de se ruiner pour ces demoiselles ! Quand on est, comme toi, beau cavalier, jeune encore et duc par-dessus le marché, on ne se fait pas le très humble serviteur de ces femmes-là ! On les prend, on les paie, et pas de lendemain !