Page:René de Pont-Jest - La Duchesse Claude.djvu/501

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Celui-là était vraiment dangereux. Depuis trois mois, il vivait au milieu de l’armée ; il dévorait tous les journaux, et, fort intelligent, devait s’être rendu compte de la situation de la ville. Il en connaissait les moyens de défense, les ressources et l’état d’esprit de la population. Il n’était pas possible de le laisser partir !

Ah ! certes, pour le bonheur de Claude, il y avait péril à s’opposer à la fuite du témoin de la mort de Jean Mourel, car, démasqué, arrêté, traduit devant la justice, le misérable userait de tous les moyens pour se défendre et, perdu, se vengerait peut-être en disant tout ce qui s’était passé sous ses yeux au boulevard de Courcelles.

Mais permettre à cet homme de s’échapper, de se réfugier dans les lignes allemandes pour y vendre, en espion, ce qu’il avait traîtreusement surpris, c’eût été commettre un crime de lèse-patrie, être traître soi-même ! Guerrard n’y pouvait songer.

Il se mit à la recherche de M. de Blangy-Portal.

Pendant ce temps-là, Léa Morton arrivait rue de Prony, donnait ses ordres et une généreuse indemnité aux deux domestiques qui allaient garder son hôtel, y laissait un mot pour le duc et, après avoir fait placer dans son coupé deux valises prêtes depuis la veille, partait en compagnie de Schumann, qui, le chapeau sur les yeux et le collet de son paletot relevé jusqu’aux oreilles, n’était pas reconnaissable pour ceux qui ne l’avaient jamais vu que sous la tunique militaire.

Une demi-heure plus tard, le docteur trouvait enfin le duc au Cercle imperial, où il ne l’arracha pas sans