Page:René de Pont-Jest - La Duchesse Claude.djvu/62

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rié et excellent père, ainsi que le sont, à leur louange, presque tous les israélites, Isaïe Blumer se disait banquier.

La vérité est qu’il était simple escompteur et quelque peu usurier, non pas un de ces usuriers de jadis qui prêtaient à cinquante pour cent, en donnant moitié en argent, moitié en marchandises, ce qui faisait soixante-quinze pour cent — pour trois mois, — et les conduisait souvent en police correctionnelle mais un usurier de la nouvelle couche, connaissant bien son code, sachant en éviter les écueils, et ne triplant pas moins à chaque affaire nouvelle son capital engagé, grâce à des intérêts en dehors, en dedans, à côté, à des commissions, des sous-commissions, des agios, à tous ces retours de bâtons qui font que quand une pièce de cinq francs a passé par la main de ces gens-là, à quelque religion qu’ils appartiennent, elle ne vaut plus que vingt sous pour celui qui l’a déboursée. On dirait que chaque doigt qui la touche lui enlève une parcelle de métal.

Blumer faisait donc des affaires, pour nous servir de l’expression consacrée, lorsqu’il s’agit d’expliquer une situation peu explicable ; c’est-à-dire qu’il achetait et vendait tout ce qui s’achète et se vend : des propriétés, du vin de Bordeaux, des diamants, des bijoux, des reconnaissances du mont-de-piété des soldes de marchandises… et des consciences.

Il jouait à la Bourse pour le compte de spéculateurs honteux ou ignorants, pour celui de vieilles femmes surtout, et il fréquentait assidûment un tripot de quatrième ordre, où il pouvait donner cours à ses industries multiples.