Page:René de Pont-Jest - Le Cas du docteur Plemen.djvu/404

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vivement surexcitée. On se demandait comment allait se tirer de sa tâche difficile le procureur général, dont le manque d’éloquence était connu. Des sourires narquois s’échangeaient déjà.

Quant à M. Lachaussée, après s’être recueilli un instant, avoir rangé ses notes, toussé, humecté ses lèvres, il se leva et se tourna vers les jurés, dans une pose étudiée longtemps d’avance ; puis, d’une voix qui, malgré lui, trahissait son émotion, il commença en ces termes :

— Messieurs, j’ai éprouvé le besoin de monter sur le siège…

À cet étrange début, un murmure ironique se fit entendre et le procureur général, qui ne s’expliquait pas ce mouvement, promena ses regards stupéfaits sur l’auditoire, mais, n’y découvrant rien de nature à le renseigner, il redit de plus belle, en enflant sa voix :

— J’ai éprouvé le besoin…

Il ne put aller plus loin. À la répétition de ces mots malencontreux, un rire général avait éclaté, surexcité encore par cette observation triviale d’un mauvais plaisant, qui, du fond de la salle, s’était écrié :

— On ne monte pas sur un siège, on s’y assoit.

C’était un accès d’inénarrable gaieté, qui gagnait même les privilégiés de l’estrade.

Comprenant enfin ce qui se passait, M. La-