Page:René de Pont-Jest - Le Fire-Fly.djvu/100

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toutefois avoir trop profondément blessé son amour-propre.

Suivant notre itinéraire, nous courûmes donc au nord-ouest en longeant la côte sans nous en éloigner plus que d’une portée de fusil, ce qui nous était facile grâce à la parfaite connaissance du fond qu’avait notre patron, et, le soir même de notre première journée de mer, la brise ayant toujours soufflé de l’est, nous doublâmes le petit port de Kokelay.

Le soleil venait de se coucher ; la nuit était délicieuse ; la brise en diminuant de force avait un peu tourné au sud et nous envoyait tous les parfums de la terre. Le si peu romanesque Canon lui-même trouvait plein de poésie ce calme de l’Océan indien qui n’était troublé que par le murmure des flots contre le rivage, par le bruit du passage de l’eau le long du bord et par les craquements de la mâture de notre muchwa qui s’inclinait doucement sous le vent, en filant bravement quatre ou cinq nœuds à l’heure.

Sauf le timonier et un Malabar de veille à l’avant, tous nos hommes s’étaient glissés sous leur gaillard ; le silence le plus parfait régnait autour de nous. Mon compagnon et moi nous passâmes une partie de la nuit à causer, à rêver et à fumer, en suivant à l’arrière le sillage de notre embarcation, qui semblait un lit de lave enflammé, tant sont nombreux dans ces mers les animalcules phosphorescents, et en parcourant du regard les sinuosités de la côte, dont les ombres épaisses s’éclairaient