Page:René de Pont-Jest - Le Fire-Fly.djvu/212

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faire oublier au marin cette importante occupation de chaque jour, — le commandant du Fire-Fly ne trouvait pas le moins du monde que la crainte ou la perspective de ne pas se mettre à table le lendemain fût une raison de perdre par anticipation un coup de dent — après le dîner, dis-je, que le roulis et le tangage firent hâter peut-être un peu, nous remontâmes sur le pont.

Les secousses de la mer, courte et tourmentée par les courants, étaient si brusques que nous fûmes obligés, pour ne pas être jetés d’un bord sur l’autre, de nous adosser à des râteliers en passant nos bras dans des manœuvres.

À peu près à l’abri des lames, qui à chaque coup de tangage balayaient le pont de l’avant au grand mât, ayant aux lèvres un cigare que le vent fumait au moins autant que nous, inutiles à la manœuvre, pour le moment du moins, nous assistions à la marche croissante de la tempête.

La nuit s’était faite noire et menaçante ; le Raimbow, sous sa maigre voilure, luttait bravement contre les flots qui, déchaînés et soulevés par tous les vents, bondissaient autour de lui. La grande voix du tonnerre parcourait l’espace ; les éclairs illuminaient le ciel de leurs brusques et éclatantes lueurs, dans l’intervalle desquelles les lames chargées d’électricité semblaient de feu, et les nuages de l’ouragan passaient si près de nos têtes qu’ils semblaient parfois nous envelopper.