Page:René de Pont-Jest - Le Fire-Fly.djvu/275

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

main qui, armé de son ongle d’une longueur démesurée, a lancé en l’air la pièce de monnaie afin de la faire sonner. Je ne me souviens pas d’avoir jamais vu un Chinois laisser tomber à terre la plus petite des pièces d’or, en exécutant cette singulière vérification monétaire.

Autour de chacune de ces petites tables se tenaient des groupes de huit à dix joueurs, et, çà et là, quelques papengers[1] armés de sabres se promenaient tranquillement, en paraissant ne s’occuper que fort peu de ce qui se passait autour d’eux.

Ainsi que me l’avait annoncé mon compagnon, la foule ne faisait pas attention à nous ; nous pouvions circuler en toute liberté. Nous nous approchâmes d’une des tables de jeu, autour de laquelle régnait une animation plus grande que partout ailleurs.

J’eus peine à retenir un cri de surprise. Les deux adversaires, un Chinois aux lèvres minces, aux petits yeux vifs et perçants, et un Malais de vingt ans peut-être, admirablement drapé dans un superbe costume brodé, jouaient aux cartes avec de vraies cartes ressemblant à s’y méprendre à des cartes européennes. Cela venait fort à propos me prouver que ce jeu n’a pas été inventé pour amuser Charles VI, ainsi que, de l’article d’un compte de l’argentier Poupart, ont voulu

  1. Corps de police composé d’esclaves libérés, malais, nègres et bengalis, et employé presque exclusivement dans la résidence de Batavia.