Page:René de Pont-Jest - Le Fire-Fly.djvu/316

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truffée à faire honneur à Potel et Chabot ; un plat de nids de salanganes mêlait son arôme à celui d’un quartier de daim ; des choux palmistes se trouvaient auprès de petits pois, des ailerons de requins auprès d’un rosbeaf. Puis, des flacons de toutes les formes, depuis la fine bouteille de Bordeaux et la lourde bouteille de Champagne jusqu’aux plus grimaçantes fioles de Madère, du Rhin et de Constance, garnissaient les vides de la table, et remplissaient des diamants, des topazes et des rubis de leurs flots, les verres ciselés des convives.

Le dessert vint avec ses mille fruits inconnus à l’Europe, et, avec lui, les conversations plus bruyantes et plus animées, le café de Moka, les liqueurs de toutes les contrées, les cigares de tous les pays. Nous laissâmes à table les Anglais et les Hollandais, pour suivre, sous les frais ombrages du parc, tous ceux qui trouvaient, comme nous, qu’un repas de deux heures était déjà fort long.

Au milieu de la nuit, seulement, je retournai à bord, enchanté de ma course dans Singapour que je ne devais revoir que quelques années plus tard.

Le lendemain, au quart du jour, je m’occupais sur la dunette de la partie du service qui était mienne, lorsque j’aperçus, se dirigeant vers le Fire-Fly, une longue pirogue dont l’équipage noir se servait de pagaies, mais en les maniant comme des avirons. Un pavillon tricolore flottait à l’arrière, enveloppant dans ses éclatants replis un personnage tout chamarré