Page:René de Pont-Jest - Le Fire-Fly.djvu/359

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qui s’y hasarde seul ; c’est un véritable assaut qu’il va supporter !

Chaque marchand se tient d’ordinaire sur le seuil de son magasin, fermé par une porte à hauteur d’appui et à jour, comme les grilles des chœurs de nos églises. De là il guette l’infortuné que la curiosité jette dans son parage. Dès qu’il paraît, chacun l’appelle, se précipite vers lui, le saisit, vantant sa marchandise, prônant ses ivoires, ses soieries, ses crêpes, ses laques. Le malheureux, tiré à droite et à gauche par les bras, par les jambes, par les basques de son vêtement, est bien obligé de céder et de se réfugier chez un des assaillants, qui, à peine en possession de sa proie, l’emporte, pour ainsi dire, au fond de son repaire, et en barricade les portes comme s’il craignait qu’on ne vînt le lui enlever.

Au moment où nous entrions dans Old China’s street, un capitaine américain était l’objet de ce siège en règle. Malgré les nombreux achats qu’attestaient ses poches gonflées, le pauvre Yankee ne put échapper que par la fuite, en jetant un regard de jalousie vers nous que la compagnie de Fo-hop défendait, à peu près du moins.

Nous retrouvâmes à Canton, dans le hong[1] de notre ami, ce que nous avions déjà vu dans sa boutique de Whampoa : le petit autel avec sa grotesque image, les pipes de cuivre, l’indispensable banc le

  1. Magasin chinois.