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Page:René de Pont-Jest - Le Fire-Fly.djvu/386

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beaucoup trop adroits pour nous — mais notre ami Fo-hop ne se décida à nous suivre dans la salle des fumeurs que lorsqu’il eut perdu quelques piastres.

Dans cette première salle, que des stores en rotins séparaient de l’avant du bateau, stores qu’ont avait soigneusement baissés en notre honneur, se tenaient accroupis le long des parois les quelques fumeurs qui n’avaient pas craint notre visite. C’étaient tous de bons, gros et gras négociants de Old et New China’s streets venant se reposer des fatigues d’une journée honnêtement remplie, et si parfaitement absorbés qu’ils eurent à peine l’air de nous voir.

J’eus l’occasion alors de remarquer quels effets différents produit l’opium suivant les tempéraments, et combien peu la crainte de l’ivresse est la vraie raison de sa prohibition dans le Céleste Empire[1].

Ce n’étaient plus les fumeurs abrutis et furieux de Mysteer que nous avions devant les yeux, c’étaient de fort braves gens se laissant aller aux doux songes du narcotique et sachant parfaitement retrouver, dès que l’heure du départ était arrivée, leurs jambes et leur sang-froid. Je voulus essayer, moi aussi, de ces suprêmes jouissances, mais, à peine eus-je aspiré la

  1. Si le gouvernement chinois défend l’introduction de l’opium, c’est bien plutôt pour ne pas laisser sortir son numéraire que par souci pour la santé des sujets du Céleste Empire. Les Anglais, du reste, n’ont, eux, songé qu’à une chose, en inventant ce commerce : c’est à livrer aux Chinois autre chose que de l’argent en échange des produits de leur industrie. Une statistique très-curieuse prouva dernièrement que, sans l’opium, tout l’argent monnayé de l’Angleterre, maintenant, irait en Chine, pour n’en plus sortir.