Page:René de Pont-Jest - Le Fire-Fly.djvu/397

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rêve affreux cette nuit, j’ai peur que la journée ne finisse mal pour nous.

— Qu’avez-vous donc rêvé ? repris-je en me moquant un peu de ses pressentiments, mais tout étonné de voir ce caractère si ferme et si résolu ému d’un songe.

— C’est à ne pas croire, reprit-il après un instant de silence. Imaginez-vous que tout ce drame affreux des thugs s’est déroulé de nouveau devant moi. J’ai revu ces misérables, j’ai entendu le cri de douleur de Roumi, je me suis éveillé au coup de poignard que je recevais d’un Indien dont la figure m’est déjà apparue deux ou trois fois en rêve.

Je fus tout surpris de ne pas entendre mon ami prononcer le nom de la bayadère. Il n’osait pas en parler, mais c’était son souvenir surtout qui occupait sa pensée. Je m’étais déjà aperçu plusieurs fois, à de longs intervalles, du chagrin profond qu’avait laissé sa mort dans son esprit, mais j’avais toujours évité avec soin de lui rappeler cet événement, sachant combien sa nature droite et loyale lui ordonnait le remords au sujet de l’empoisonnement de la pauvre enfant.

— C’est inimaginable, n’est-ce pas ? me dit-il, lorsqu’il vit que, suivant le cours de mes pensées, je ne lui répondais pas. Ce souvenir me suit comme celui d’une mauvaise action ; j’ai beau faire ce que je puis pour le chasser, il revient toujours, surtout lors qu’un malheur me menace.

Je haussai les épaules en souriant et en lui faisant