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Page:René de Pont-Jest - Le Fire-Fly.djvu/424

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Il avait, lui aussi, une vengeance à exercer : il était le frère de Roumi.

Ce fut un moment d’inexprimable angoisse. Sir John avait saisi un banc d’embarcation jeté par la mer sur le sable ; l’œil fixé sur l’abîme, le bras levé, il se préparait à briser le crâne du premier ennemi qui se présenterait. Madame Lauters se cramponnait à moi avec des cris perçants. Toute sa raison semblait lui être revenue ; je ne pouvais me débarrasser d’elle, et je sentais que mon ami allait peut-être avoir à lutter contre deux ou trois hommes. La lune, comme pour éclairer les moindres détails de cette terrible scène, venait de percer les nuages et irisait la crête des vagues. Dans la direction du Fire-Fly, le bruit du combat ne cessait pas.

Deux ou trois têtes parurent en même temps au milieu des brisants. Je m’étais armé d’un morceau d’aviron, et, traînant la pauvre femme après moi, je m’étais aussi approché du gouffre. Le bras du contrebandier retomba, nous entendîmes un gémissement étouffé dans les flots, mais les deux autres corps prirent pied à l’extrémité opposée du banc où nous avions trouvé asile. Avant que nous eussions pu nous y opposer, ils s’étaient élancés jusqu’à la falaise et s’étaient adossés contre un rocher, prêts à faire une résistance désespérée.

Le Malabar était l’un de ces deux hommes, l’autre était un des matelots de sa pirogue. Le frère de Roumi n’avait pas survécu à sa vengeance ; les flots s’étaient refermés sur son cadavre.