Page:René de Pont-Jest - Le Fire-Fly.djvu/45

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n’avait pas été brumeux et si le soleil n’avait point eu, pour adoucir la chaleur de ses rayons, l’humidité répandue dans l’atmosphère, depuis longtemps déjà j’eusse été forcé de céder à la fatigue, car on ne saurait croire combien est terrible la marche dans ces pays tropicaux lorsqu’on ne suit point un chemin tracé. Le sol cède sous vos pas, les pieds se déchirent à des bambous à épines, les lianes vous fouettent au visage. Cent pas ne se font point sans un obstacle à franchir, sans une difficulté à vaincre.

Sir John était bien, du reste, le plus grotesque et le plus amusant compagnon d’excursion qu’il fût possible de rencontrer. Il entrait parfois pour un rien dans de superbes colères contre nos gens, contre le pays, contre lui-même. Les efforts surhumains que faisait son gros et riant visage pour prendre, par moments, un air courroucé suffisaient à me faire oublier mes fatigues. Très-galant homme toutefois, il permettait fort bien qu’on rît de ses mésaventures. Souvent il était le premier à se moquer de ce qui lui arrivait. Pour lui, grâce à sa corpulence, la marche à travers les jungles et la forêt, était encore plus fatigante que pour aucun de nous, quoiqu’il fût peut-être le plus agile d’entre nous tous ; mais là où un Indien pouvait se glisser sans peine, là où mon peu de rotondité me laissait un passage, sinon facile au moins possible, l’opulent commandant du Fire-Fly abandonnait toujours quelque chose : un morceau de ses vêtements, ou une petite portion de lui-même.