Page:René de Pont-Jest - Le Fire-Fly.djvu/47

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hommes des prairies. Calme, imperturbable, lorsqu’il était hors de ces circonstances comiques dont je viens de parler plus haut, il possédait un talent extraordinaire d’observation. Sans la voir, il devinait la bête féroce à des différences, imperceptibles pour moi, dans l’aspect ordinaire des objets environnants. Il eût dit le nom de l’ennemi qu’il allait avoir à combattre, à la rapidité avec laquelle le daim bondissait au-dessus des hautes herbes, au silence qui se faisait subitement autour de lui, aux gémissements du sol, aux cris de frayeur de la perdrix, à l’agitation passagère d’une branche, lorsque la brise ne remuait pas le feuillage des arbres voisins.

Il était magnifique à voir dans ses préparatifs de départ, n’oubliant rien du nécessaire, de l’utile et du confortable.

— On ne chasse vraiment d’une façon intelligente, disait-il, que lorsque l’on n’a ni trop chaud, ni trop froid, ni trop faim, ni trop soif.

Arrivé sur la lisière du jungle où il avait flairé le gibier, il semblait se recueillir et faire provision de calme. Plein d’une ardeur sagement contenue, il s’avançait lentement, avec assurance, sans hésitation, le sourire aux lèvres, choisissant avec circonspection l’endroit où devait se poser son pied, évitant les passages glissants, les feuilles sèches, les cailloux de forme arrondie, tout ce qui pouvait retarder sa marche ou la rendre bruyante. Il s’arrêtait par moments pour écouter dans le lointain le frémissement du