Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/107

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Attendez à demain, et vous partirez avec le détachement qui va relever celui de Sumbulpour.

« — C’est convenu. »

Pendant que le premier clerc du secrétariat de la justice lisait des dernières phrases, un murmure étrange s’était élevé de la place où étaient groupés les accusés.

On entendit distinctement les mots de la prière par laquelle les Thugs invoquent Kâly :

« Ô Kâly ! Kur-Kâly ! Burd-Kâly ! Ô Kâly ! Maha Valy ! Calcutta Valy ! veuille que tous les voyageurs passent par les mains de tes esclaves ! »

Ces misérables protestaient contre la déposition du Français Hamel, et, dans leur implacable orgueil, ils voulaient prouver à la cour que la secte des Thugs n’était pas anéantie.

— Interprètes, commanda sir Monby indigné, dites à tous les accusés que si une manifestation semblable se renouvelle, les débats se continueront sans qu’ils puissent y assister. Ils seront mis à la chaîne et au cachot.

Terrifiés par la menace qu’ils venaient d’entendre, les Étrangleurs baissèrent la tête.

Le clerc reprit sa lecture :

« Le colonel m’aperçut et vint à moi !

« — Vous paraissez inquiet, me dit-il.

« Je lui fis part de l’obligation où j’étais de partir immédiatement pour rejoindre notre agent à Kryagar.

« — Mais vous ne pouvez vous aventurer sans guide, observa-t-il.

« — J’ai Nazir.

« — Un singulier guide ! qui m’a l’air d’avoir fort envie de votre peau.

« — Il m’a deux fois sauvé !

« — Est-ce qu’on peut jamais savoir à quoi s’en tenir avec de pareils singes ? Voyons, pouvez-vous retarder votre départ jusqu’à demain ?

« — Impossible, colonel.

« — Eh bien ! comme Kryagar est sur la route de Nagpour, où je me rends, c’est moi qui vous servirai de guide.

« Il se tourna vers les officiers :

« — Messieurs, leur dit-il, je vous fais mes adieux ; je pars à l’instant.

« — Comment ! colonel, vous n’attendez pas le détachement ?

« — Il nous rejoindra en route. Ne m’avez-vous pas dit que les chemins étaient sûrs ? Calm, fais tes préparatifs ; une simple valise, des provisions de bouche, nos carabines et des munitions. Fais vite !

« On eut beau insister auprès de l’excentrique officier pour le décider à attendre le lendemain ; il tint bon.

« Allons faire nos adieux à l’artiste, me dit-il.