dans cet infortuné le soldat que nous pensions si loin. Le malheureux s’était fait prendre !
« — Notre situation se corse, dit le colonel ! Que vont-ils faire à ce pauvre diable et que feront-ils ensuite de nous ?
« Pendant qu’on était allé chercher le cipaye, d’autres Thugs avaient creusé une fosse étroite et profonde.
« — Regarde ce qui t’attend, cria Nazir à Calm.
« — Je ne perds pas un détail, vilain singe ! répondit bravement notre intrépide compagnon.
« Le cipaye, garrotté, fut descendu debout dans la fosse, puis la terre fut rejetée dans le trou, et bientôt la tête de l’Hindou apparut seule au-dessus de la fosse comblée.
« On avait tourné de notre côté cette figure pâle dont le corps était enfoui.
« Après avoir pesé avec un manche de poignard sur les mâchoires du supplicié pour le forcer à les ouvrir, un Thug plaça à chaque coin de sa bouche un caillou qui l’empêchait de la refermer.
« Par-dessus sa tête, on posa un large panier sans fond, semblable à une cage et dont les barreaux espacés laissaient voir cette tête ainsi enfermée ; puis, par la partie supérieure, les thugs vidèrent un autre panier qui contenait une vingtaine de gros rats affamés et furieux.
« Calm avait regardé tranquillement tous les préparatifs du supplice qu’il devait endurer à son tour.
« À la vue des rats, nous l’entendîmes dire avec son sang-froid ordinaire :
« — Tiens ! il y a une idée là-dedans ! Il faut avouer que ces canailles-là ont une certaine imagination !
« Après avoir vainement cherché une issue pour fuir de la cage, les terribles rongeurs se tournèrent enfin vers cette proie offerte à leur voracité et ils se précipitèrent dessus à pleines dents.
« Dix-huit mois se sont écoulés depuis ce drame, et cependant, à l’heure où j’écris ces lignes, je crois entendre encore les horribles cris que poussa le malheureux en se sentant ainsi dévoré.
« Cette épouvantable agonie dura vingt minutes, puis les cris s’éteignirent, et une demi-heure après, il ne restait plus qu’un blanc squelette, entièrement dépouillé des chairs.
« — Es-tu maintenant décidé à persuader à tes amis de préférer une mort prompte qui doit être agréable à Kâly ? demanda Nazir à Calm.
« — Est-ce que tu crois que je suis au monde pour faire plaisir à ta stupide Kâly, mauvais chien ! riposta le courageux soldat.
« — Alors, à ton tour ! hurla le chef.