« Puis, à ma grande surprise, ils me portèrent vers l’endroit où les cris s’étaient fait entendre.
« Je compris bientôt l’affreuse pensée qui les faisait agir, car, croyant avoir affaire, non pas à des Thugs, mais à de simples bandits, je ne prévoyais pas encore le crime horrible de ces monstres au moment où ils s’emparèrent de moi.
« Ah ! quel spectacle ! Nahouâ, ma chère maîtresse, les vêtements déchirés, les cheveux épars, un bâillon sur la bouche, apparut, à mes regards terrifiés, avec le mouchoir sacré autour du cou. Elle était toujours belle ; ses longs cheveux flottaient sur ses épaules, mais elle était morte.
« Des hommes, des bourreaux, des démons, des Thugs l’entouraient.
« Je voulus m’élancer.
« Efforts inutiles.
« Je fermai les yeux.
« Une voix se fit entendre :
« — Je t’avais bien dit que nous nous vengerions !
« Oh ! cette voix, c’était celle que j’avais entendu le soir où mon père avait été blessé ; c’était celle qui m’avait poursuivi dans tous mes rêves.
« Je rouvris les yeux et vis Feringhea.
« — Ton tour viendra bientôt, me dit-il.
« Puis il alla à Nahouâ, dont l’âme venait de s’envoler et dont le corps était retenu contre l’arbre par les liens avec lesquels on l’avait garrottée.
« L’excès du désespoir et de la rage me donnèrent une force extraordinaire.
« Je parvins à dégager une de mes mains et, saisissant le pistolet qu’on m’avait laissé, je l’armai avec mes dents et faisant feu sur les meurtriers, je m’écriai :
« — Infâmes !
« Un d’eux tomba foudroyé.
« Mais ce n’était pas Feringhea.
« Au bruit de la détonation, les bahis s’étaient éveillés.
« — À moi ! à moi, au secours ! leur criai-je.
« Ils accoururent assez tôt pour me sauver, mais trop tard pour venger Nahouâ.
« Les Thugs avaient eu le temps de gagner la route et de prendre la fuite, en abandonnant le cadavre de celui que j’avais tué.
« Désespérés, nous regagnâmes l’habitation. Le surlendemain, lorsque revint mon maître, je lui appris l’affreux événement qui s’était accompli, mais je ne saurais vous peindre son désespoir.
« Depuis ce temps, je rêve de la mort des Thugs, et je viens vous demander justice.