Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/168

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« Le rocher était au bord de la mer ; en un instant le canot fut mis à flot et les trois hommes se disposèrent à s’embarquer.

« Je distinguais à peine leurs mouvements à la clarté vacillante des étoiles ; cependant, à tout hasard, je les appelai en les suppliant d’emmener un pauvre naufragé.

« À peine avais-je parlé, que les trois individus se précipitèrent sur moi, et, sans prononcer une parole, sans faire entendre une exclamation de surprise ou de colère, me saisirent à bras-le-corps et me soulevèrent.

« Je crus qu’ils allaient me lancer à la mer. J’étais fort et vigoureux : par un mouvement brusque, je leur fis lâcher prise et me mis en mesure de vendre chèrement ma vie. Mais la lutte d’un seul contre trois ne pouvait me donner la victoire ; je fus ressaisi, et ces misérables me jetèrent dans l’ouverture du rocher.

« Puis ils firent entendre un cri bizarre et refermèrent sur moi la porte de pierre.

« Je tombai à une dizaine de mètres de profondeur en me meurtrissant aux angles des marches d’un escalier qui descendait dans la caverne.

« Je me trouvai dans une vaste salle éclairée par une lumière rougeâtre.

« À peine m’étais-je relevé, que je vis courir sur moi deux hommes à moitié nus, la figure et le corps noircis par la fumée, la barbe inculte, horribles, hideux.

« Heureusement que, dans la lutte, je m’étais emparé d’un long et solide poignard.

« Ces deux hommes aux allures de bêtes, firent un bond en arrière en voyant entre mes mains l’arme d’un de leurs compagnons.

« Je m’étais réfugié dans une encoignure de la caverne, de manière à pouvoir surveiller tous les mouvements de mes ennemis. J’attendais qu’ils me fissent une question, mais il paraît que dans cette île les hommes ne parlent pas, car ils ne prononcèrent pas une parole.

« Ils se consultèrent un instant du regard, et je compris qu’ils allaient s’élancer tous deux en même temps sur moi afin de paralyser mes efforts.

« Alors, prompt comme l’éclair, je me jetai sur le plus grand, et mon poignard pénétra dans sa gorge jusqu’à la poignée.

« L’impulsion fut si forte que je fus entraîné par la chute de ce monstre, qui resta inanimé sur le sol.

« Quand je me relevai, l’autre avait disparu.

« Je fis alors le sacrifice de ma vie, certain que cette caverne était un repère de brigands et que j’allais avoir à lutter contre une troupe nombreuse, j’examinai attentivement la salle où j’étais : ce n’était qu’une sorte de vestibule, mais plus loin, à l’endroit d’où venait la lumière, j’aperçus