Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/199

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— Écoutez-moi bien, mon enfant, et réfléchissez avant de me répondre. S’il vous arrivait de rencontrer ces hommes, les reconnaîtriez-vous ?

— Certainement, mylord.

— Alors, regardez bien ces hommes qui sont rangés là. Apercevez-vous ceux dont vous nous parlez ?

L’enfant descendit du banc sur lequel il était monté, et examina l’un après l’autre les prisonniers faits à la pagode de Serapour. L’émotion de l’assistance était indescriptible ; le silence y était profond.

Tout à coup Willy le rompit en montrant du doigt un vieil Hindou et en s’écriant :

— Voilà celui qui m’apportait à manger.

— C’est bien, mon ami, dit sir George Monby ; cherchez l’autre, maintenant, celui qui vous semblait être le maître.

Willy fit un pas vers Ressoul, et dit sans hésitation :

— L’autre, le maître… le voici !

Un soupir de satisfaction s’échappa de toutes les poitrines. Le témoignage si net et si précis du fils de Gilbert levait tous les doutes.

— Vous avez entendu ; entrerez-vous dans la voie des aveux ? demanda le président à Ressoul.

— Ceux qui ont payé un faux témoin ont pu faire la leçon à un enfant, qui ne comprend rien aux paroles qu’il répète, répondit l’Hindou avec impassibilité.

— Il vous faut, pour parler, des charges plus fortes ? Soit ! Huissiers, introduisez sir Harry Temple.

L’infortuné gentleman parut presque aussitôt. Une haine terrible contractait ses traits. On devinait combien il se faisait violence pour ne point s’élancer sur Ressoul.

— Les morts reviennent donc ? s’écria le misérable épouvanté.

— Non, les morts ne reviennent pas, répondit le président, mais Dieu permet que le poignard des assassins se trompe. Vous avez ordonné la mort de sir Harry Temple, mais il a été sauvé grâce à la généreuse intervention du courageux Bob.

— C’est lui, le misérable, affirma sir Harry, en montrant Ressoul, je le reconnais ; c’est lui qui a mis le poignard dans ma main, ce jour maudit où j’ai frappé mon frère. Vingt fois, aux heures d’orgie, je l’ai aperçu par la crevasse de mon cachot. C’est lui qui est le chef !

— Qu’avez-vous à répondre, Ressoul ?

— Eh bien ! oui, j’étais le chef, oui, j’avais accepté la terrible mission de Feringhea. Je l’avoue ! Je suis en votre pouvoir, qu’importe ? Vous ne verrez Ressoul ni trembler ni pâlir. Apprêtez pour moi les plus horribles supplices, je chanterai sous le fer du bourreau. Kâly, l’implacable