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XXX

MORT DE FERINGHEA.



Après ces dernières paroles, ce qui restait de la foule s’écoula lentement, pour rejoindre celle qui ne cessa d’occuper toute la nuit la place du Gouvernement, dans l’espérance de voir passer les condamnés.

Mais le peuple fut trompé dans son attente, car le matin même, sans retourner au fort Saint-Georges, ceux des Étrangleurs dont l’exécution devait avoir lieu dans les villes du Centre et du Sud quittèrent Madras sans être aperçus.

Il ne restait à Madras, sous la garde de nombreux soldats, et au fort, que les douze accusés principaux et Feringhea.

On ne savait au juste quand devait avoir lieu l’exécution, et chaque jour la foule se rendait aux abords de la prison et à la porte de Méliapour, lorsqu’elle y apprit une étrange nouvelle :

Feringhea était mort en prison, et l’autorité, en raison des services qu’avait rendus ce chef trop célèbre, n’avait pas cru devoir refuser son corps à sa veuve et à ses parents, afin qu’il fût enseveli selon les rites hindous.

Les bruits les plus extraordinaires circulaient à propos de cette mort arrivée si brusquement la veille du supplice ; on n’y croyait pas.

Dans la haute société européenne, on voulait que ce fût l’autorité elle-même qui, par respect pour sa parole engagée, eût laissé Feringhea s’échapper.

Dans une classe moins élevée, on ne voyait qu’un accord entre la justice et le chef des criminels.

Dans le peuple, on pensait, au contraire, que Feringhea était trop puissant pour mourir, et on disait que les portes de la forteresse s’étaient ouvertes à son premier ordre.

C’est qu’on ignorait la scène mystérieuse dont le cachot de Feringhea avait été le théâtre.

Le surlendemain de l’arrêt de la cour criminelle de Madras, le terrible chef des Thugs avait fait prier lord William Bentick de lui envoyer sir Harry Moor, l’un des officiers qui avaient été chargés de l’instruction du procès.