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Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/247

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chiens, dont l’instinct, si on les avait laissé vivre, aurait pu faire découvrir le lieu de sépulture de leurs maîtres.

Lorsque le dernier cadavre eut disparu, les sinistres fossoyeurs les couvrirent de terre en la tassant au fur et à mesure. Puis, quand le sol fut nivelé, ils ramenèrent avec soin autour de l’arbre les lianes qu’ils en avaient écartées sans les arracher.

La puissance de la végétation devait, en moins de vingt-quatre heures, les réunir assez au banian pour que l’œil le plus exercé ne pût rien soupçonner de la fosse qu’elles cachaient.

Il ne restait plus à accomplir que le dernier acte, le plus cruel de ce drame sanglant.

Schubea, chargé de son fardeau, prit le chemin de la clairière.

Ses hommes le suivirent.

Ceux des misérables qu’il y avait laissés avaient, eux aussi, terminé leur tâche.

Au centre de cette clairière s’élevait un large amas de bois résineux et d’herbes desséchées.

Schubea s’en approcha, posa la jeune femme à terre, et, par un raffinement de cruauté, s’efforça de lui faire reprendre ses sens.

Lorsqu’elle fut assez revenue à elle pour comprendre ce qui se passait, il l’aida à se relever, et, sans lui dire un mot, lui montra le bûcher.

Gaya jeta un cri de terreur.

Tout son corps était en proie à un tremblement nerveux dont le tressaillement se reproduisait sur les muscles de son visage.

— Si Moura-Sing était mort dans son palais, au milieu de ses femmes et de ses serviteurs, toi, sa favorite, n’aurais-tu pas été brûlée avec lui ? lui dit alors Schubea.

La pauvre enfant courba la tête et laissa tomber ses bras, qu’elle avait étendus vers son bourreau pour lui demander grâce.

Avec ce fatalisme de la femme hindoue, elle se résignait, elle était prête au sacrifice.

Sa pâleur était extrême, ce qui rendait encore plus grands ses yeux cerclés de khol, et plus rouges ses lèvres teintes par le bétel. Elle murmurait des versets de Védas.

Schubea la reprit entre ses bras et l’étendit sur le bûcher, ses longs cheveux noirs répandus autour d’elle.

Au même instant, une fumée épaisse s’éleva et les flammes jaillirent.

L’écho redit un cri épouvantable, et la plus horrible des luttes commença.

La jeune femme, aux premiers baisers de ces langues de feu qui montaient en serpentant sur ses épaules, sentit se réveiller en elle l’instinct de