Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/246

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Parmi les morts étaient Seler et les anciens serviteurs que Moura-Sing avait amenés d’Hyderabad.

Laschmi, sa tâche infâme accomplie, s’était rejetée en arrière, et, debout, la lèvre frémissante, elle promenait ses yeux hagards sur ces couples horribles faits des victimes et des bourreaux.

Schubea se releva après s’être assuré que le prince était mort.

On eût dit que les autres assassins n’attendaient que son signal, car ils se redressèrent tous, les yeux levés au ciel, où la lune venait de se voiler, leurs longs cheveux épars et le pied sur la poitrine des cadavres.

— À l’œuvre, maintenant, glorieux fils de Kâly, à l’œuvre ! leur cria Schubea, la déesse sera satisfaite, l’heure de la délivrance a sonné !

Et, laissant le corps inanimé de Moura-Sing à ses chiens, qui lui léchaient les mains et le visage, il pénétra sous la tente et souleva les rideaux du palanquin de Gaya.

La pauvre enfant avait été réveillée par le bruit ; mais ses lèvres et ses narines avaient une teinte bleuâtre, et ses petites mains crispées pressaient son front comme s’il eût été le siège d’une atroce douleur.

En reconnaissant Schubea qui se penchait sur elle avec un horrible sourire, que lui permettait de distinguer la torche qui l’éclairait en plein visage, elle voulut jeter un cri d’effroi ; mais la voix s’arrêta dans sa gorge, et elle retomba sans force sur sa couche empoisonnée.

Les lois de Kâly défendant à ses sectateurs d’étrangler une danseuse, le misérable l’avait endormie en lui faisant respirer des feuilles d’upas et des baies de mancenillier.

Elle était sans défense à sa merci.

Elle comprit instinctivement qu’elle était perdue.

Schubea la prit dans ses bras sans qu’elle tentât même de faire un mouvement à son contact infâme ; et il l’emporta comme il eût fait d’un enfant.

Les danseurs et mes musiciens avaient rejoint leurs palanquins, et les Étrangleurs, pliant sous le poids des cadavres, parmi lesquels étaient ceux de Moura-Sing et de Seler, se dirigèrent vers le fleuve.

Il s’y jetèrent en traînant les morts derrière eux, et atteignirent bientôt la rive opposée, malgré la rapidité du courant.

Quelques secondes après, Schubea les rejoignit, tenant dans ses bras Gaya, que la fraîcheur de l’eau avait fait sortir de son engourdissement.

Elle avait tenté de crier, mais, de sa large main, il lui avait fermé la bouche, et, pâle, inanimée, l’œil hagard, ne cherchant plus à se défendre, elle dut assister au plus affreux spectacle.

Une fosse était là béante, profonde, se perdant sous les racines du banian.

Les Étrangleurs y jetèrent pêle-mêle les corps des victimes et ceux des