Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/255

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Et Ada rapporta à l’Hindou, mot pour mot, la conversation qu’elle avait entendue.

À la nouvelle de l’arrestation de Romanshee, le jeune homme, qui avait pris les mains de la fille de sir Arthur et les baisait avec respect, se releva avec un éclair de colère dans les yeux.

— Arrêter Romanshee ! dit-il ; ah ! pardonnez-moi, miss, mais il faut alors que je vous quitte à l’instant, que je sauve mon vieux maître ou que je meure avec lui. Je n’oublierai jamais le service que vous venez de me rendre ; ma vie vous appartient tout entière, mais laissez-moi partir.

— Vous ne sortirez pas, Nadir, reprit Ada en se mettant entre l’Hindou et la porte vers laquelle il s’était déjà dirigé, car vous trouveriez autour de la pagode cent hommes pour vous arrêter. Le brahmine est déjà à Golconde. Qui sait si vous arriveriez vivant dans le cachot qui vous attend ? Or, moi, je ne veux pas que vous mouriez !

La jeune Anglaise avait prononcé ces mots avec une telle exaltation que Nadir en avait tressailli. Comprenant combien il était aimé, il avait également senti que son amour pour l’étrangère était plus grand encore qu’il ne le croyait.

La fille de sir Arthur avait baissé la tête en rougissant. Nadir la contemplait avec admiration. Tous deux, ils gardaient le silence.

Ce fut l’Hindou qui reprit le premier la parole.

— Vous êtes une noble jeune fille, miss, lui dit-il, et Brahma m’est témoin que je suis obligé de faire appel à tout mon courage pour ne pas vous dire combien je vous aurais aimé s’il ne s’élevait pas entre nous une barrière infranchissable. Mais vous n’êtes ni de ma religion, ni de ma race ; notre amour serait un double blasphème. Moi aussi, j’avais fait de beaux rêves ; je m’étais dit qu’il pouvait y avoir pour nous, loin de ces hommes que je hais, une existence de bonheur infini. J’oubliais pour vous la mission mystérieuse qui devait m’être bientôt révélée ; j’oubliais l’enfant qui est ma fiancée et que je ne puis aujourd’hui laisser seule, puisque les vôtres ont arrêté son père ; son père, qui va peut-être emporter dans la tombe le secret dont un peuple entier a fait son espoir et son avenir.

Miss Ada l’écoutait, les yeux remplis de larmes. Ses mains suppliantes étendues vers lui, elle semblait lui dire : Parle, oh ! parle encore ! lorsque l’hôtel, silencieux depuis le départ de sir Arthur, s’anima tout à coup.

Des bruits de pas nombreux se faisaient entendre dans les couloirs ; le jardin était subitement sorti des ténèbres ; on parlait jusque sous les fenêtres du boudoir de la jeune fille.

Tremblante, éperdue, elle prêta l’oreille, et se jeta au-devant de Nadir comme pour lui faire rempart de son corps.

Au même instant, la porte de l’appartement vola en éclats, Ada se sentit