Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/332

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— Romanshee a été obéi, maître, répondit un de ces hommes. Voici ce que Schubea nous a chargés de te remettre. Il est en route en ce moment pour Bombay et il t’attendra auprès du défilé de Kassy, ainsi qu’il en a reçu l’ordre.

Le mendiant tendit respectueusement à Nadir, que nos lecteurs ont reconnu, des papiers qu’il portait soigneusement cachés dans sa ceinture.

L’Hindou se hâta de les parcourir aux pâles rayons de la lune.

C’étaient les titres et les lettres que le prince Moura-Sing avait sur lui au moment où il avait succombé, sur la route de Golconde, avec sa femme et ses principaux serviteurs.

— Qu’est devenu celui qui avait ces papiers ? demanda Nadir aux Hindous en fixant sur eux ses regards sévères.

— Il continue sa route vers l’Ouest avec sa caravane, répondit celui qui lui avait remis les lettres.

— C’est bien, reprit Nadir ; retournez auprès de Schubea et qu’il attende mes ordres à la sortie du défilé. Je l’aurai rejoint dans vingt jours.

Puis, sans remercier autrement ces hommes de ce dévouement aveugle, de cette obéissance absolue, il s’éloigna du côté des tombeaux, tandis que ces malheureux, quoique épuisés de la longue route qu’ils venaient déjà de parcourir, faisaient cependant leurs préparatifs de départ pour marcher pendant la nuit.

Après s’être arrêté un instant à quelque distance du mausolée du Maharadjah, Nadir sembla se consulter et s’orienter avant que de s’avancer dans la lugubre nécropole, où, pendant plusieurs centaines d’années, avaient été enterrés les souverains de la contrée.

Il n’était pas facile, en effet, de reconnaître son chemin dans cet inextricable dédale de tombes à demi détruites, après avoir été pillées par les soldats, qui n’avaient pas hésité à les violer pour arracher aux cadavres les bijoux et les objets précieux avec lesquels ils avaient été ensevelis.

Depuis bien des années, ce cimetière était désert, les voyageurs osaient à peine s’y arrêter, à l’ombre des grands arbres qui en formaient la lisière du côté de la route.

C’était un endroit maudit.

On se souvenait toujours de l’épisode dramatique dont il avait été le théâtre pendant la dernière révolte du Dekkan.

Pour se venger de la condamnation de leurs frères, les Hindous avaient enlevé sir Albert Macready, l’attorney général, magistrat éminent et vieillard vénérable ; et après l’avoir étranglé, ils l’avaient jeté au milieu des ronces de la nécropole, où ses fils avaient retrouvé le cadavre de leur père à demi dévoré par les fauves.

Après un instant d’hésitation, il se dirigea vers un énorme shing de