Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/341

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En disant ces mots, Stilson avait reconduit sir George Wesley jusqu’à sa porte, et quand il rentra dans sa chambre, ce fut pour jeter un regard d’indignation et de regrets sur la pinte de gin qu’il savait encore à moitié pleine.

Malgré lui il s’en était rapproché et il allait peut-être se rappeler qu’il avait juré seulement de ne pas boire un verre d’ale jusqu’à ce qu’il eût rattrapé Nadir, lorsque, pris d’un beau mouvement, il saisit le vase et le jeta violemment à terre en s’écriant :

— Non ! par saint Georges, non ! master Stilson, montrez que vous êtes un homme et un bon Anglais.

Et il appela aussitôt sa femme pour lui ordonner de préparer tout ce qui lui était nécessaire.

Puis il alla passer l’inspection de la prison avec majesté, et le soir, après n’avoir bu que de l’eau, à la grande stupéfaction de mistress Stilson, il s’endormit d’un sommeil troublé par les souvenirs du passé et les désirs effrénés de vengeance.

En se réveillant le lendemain matin, le bonhomme se sentit des instincts sanguinaires.

Quant à sir George, il s’était hâté, en quittant Golconde, de se rendre à la caserne du 2e cipaye, mais il n’y avait pas trouvé Roumee.

L’officier de sa compagnie lui avait appris que, libéré du service par la protection de miss Ada, l’Hindou avait disparu.

Le capitaine interrogea vainement les camarades du soldat indigène.

Tout ce qu’ils savaient, c’est qu’il s’était marié avec Sabee, leur avait dit adieu et était parti. On ignorait ce qu’il était devenu.

L’aide de camp comprit alors que le cipaye avait été le confident de la fille de sir Arthur et qu’il le chercherait inutilement.

En effet, aussitôt libre, Roumee s’était dit que toute cette affaire de cimetière de Velpoor pourrait bien finir par être découverte, et, Sabee en croupe, il s’était empressé de quitter Hyderabad pour aller cacher sa lune de miel dans une des provinces voisines, là où la justice anglaise ne songerait pas à le poursuivre.

Le lendemain matin, sir George venait à peine de terminer ses préparatifs de départ, qu’il vit apparaître sous ses fenêtres Stilson, botté, éperonné, armé jusqu’aux dents et faisant plier sous son poids un vigoureux petit cheval malais, qu’il dirigeait avec une certaine adresse.

Son air était plein de résolution et son teint moins fleuri que de coutume.

On voyait qu’il avait mal dormi et tenu son serment.

Le capitaine ne lui laissa pas le temps de mettre pied à terre. Quelques