Aller au contenu

Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/372

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

20 à 25 schellings par semaine, nous n’aurons plus que ce que nous donnera le comité de secours ?

— Ah ! moi, je ne comprends rien à tout ça. Ce que je sais, c’est que celui qu’ils appellent le docteur parle joliment bien. Quel homme, by God ! quel homme ! Il a causé une heure au moins sans s’arrêter !

— Il y a là-dessous quelque chose que nous ne savons pas, Tom, et il ne me paraît pas certain que ce soit bien de nos intérêts qu’il s’agisse.

— Alors, tu n’es pas pour la grève ?

— Ça ne nous rapportera rien et ça ruinera peut-être M. Berney.

— Eh bien, qu’est-ce que ça te fait, M. Berney ? C’est pas ton père ! Avec ça que son fils est un joli garçon ! Quand il sort en voiture au moment où nous quittons l’atelier, il nous écrase sans crier gare. Moi, je n’aime guère ces gens-là. Il n’y a pas jusqu’à la fille du patron qui est toujours à sa fenêtre pour nous voir défiler comme si nous étions des bêtes curieuses.

— Tais-toi ! dit brusquement James, qui jusque-là avait laissé bavarder son ami sans attacher grande importance à ses paroles. Ne parle pas ainsi de miss Emma.

— Et pourquoi donc ? C’est pas la reine, je suppose.

— Parce que je ne veux pas, ça doit te suffire.

— C’est bon, c’est bon ! on n’ouvrira plus la bouche. Milord James est peut-être amoureux de miss Emma Berney depuis le jour où il a arrêté son cheval et l’a empêchée d’être tuée !

— Je t’ai dit de te taire, reprit le jeune ouvrier avec impatience et cachant, grâce à l’obscurité, la rougeur qui avait coloré ses joues à la supposition de Tom. Tu es fou ! voilà tout ! Va te coucher, c’est ce que tu as de mieux à faire.

Pendant cette discussion, ils avaient atteint la rue de la Couronne, où James habitait une petite maison assez isolée.

— Alors, tu es fâché ? demanda timidement Tom.

— Non pas, répondit James, en faisant un pas pour s’éloigner.

— Tu voudras donc bien dire bonsoir à Mary de ma part, et tu l’engageras à m’aimer un peu.

L’hercule avait prononcé ces mots en poussant un soupir à faire tourner les ailes d’un moulin.

Sa voix s’était faite douce et tendre, autant du moins que cela lui était possible. On eût dit qu’il tremblait en chargeant son ami de cette commission si simple cependant.

James ne put s’empêcher de sourire.

— Ah ! voilà l’ours qui se fait mouton, répondit-il en lui tendant la main ; oui, je souhaiterai le bonsoir à Mary de ta part ; mais quant à l’engager à