Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/373

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

t’aimer, ça te regarde tout seul, mon brave Tom. La maison ne t’est pas fermée ; fais ta cour, sois aimable ! À demain !

— C’est qu’on me reçoit si mal depuis quelque temps, répliqua le pauvre garçon, sans lâcher la main de son ami qu’il avait saisie de nouveau.

— Ne te décourage pas.

— Je l’aime tant, James, que lorsque je suis auprès d’elle, je deviens muet comme un poisson. Il faudra bien cependant que je lui parle, puisque tu me le permets. En attendant, dis-lui que ton ami Tom a toujours deux bons bras à son service, et que le jour où elle voudra, elle s’appellera mistress Sanders.

— Mary a beaucoup d’amitié pour toi, elle sait que tu es un brave et honnête garçon, patience !… l’amour viendra.

— Elle est trop belle, vois-tu, James.

— Tu es fou, décidément !

Et sans attendre la réponse de Tom qui, tous les soirs, invariablement, lui tenait le même discours avant de se séparer de lui, James s’arracha brusquement à l’étreinte de son impitoyable compagnon, pour, sans s’inquiéter de lui plus longtemps, s’enfoncer dans la rue de la Couronne, à l’angle de laquelle ils étaient arrivés.

Le brouillard était toujours fort épais, et bien qu’il fût tout près de sa maison, il la distinguait à peine des autres, lorsque tout à coup, au moment où il allait en atteindre le seuil, il entendit le bruit d’une fenêtre qui se fermait brusquement, en même temps qu’un voiture qu’il n’avait pas aperçue, cachée qu’elle était le long de la muraille, s’éloignait au galop de son attelage.

Un instant interdit par la rapidité de ces deux événements inattendus, James revint bientôt à lui. Il supposa alors, à la lumière qui l’éclairait encore, que c’était la fenêtre de la chambre de sa sœur qui s’était ainsi refermée, et que c’était sous cette fenêtre que se tenait cette voiture qui avait si rapidement disparu à son approche qu’il n’avait pas eu le temps de songer à courir après elle.

Il n’en put douter, lorsqu’ayant ramassé un objet qui brillait à terre, il se vit en possession d’une petit carnet en cuir de Russie et à coins dorés, que son propriétaire avait dû laisser tomber dans sa précipitation à s’enfuir.

Rempli de tristes pressentiments, il s’approcha du bec de gaz voisin, et le cœur serré, la main tremblante, il ouvrit ce carnet.

La première chose qui frappa ses yeux lui arracha un cri de douleur.

C’était une carte de visite au nom d’Edgar Berney.

C’était donc le fils de son patron, le frère d’Emma, qui peu d’instants auparavant, s’entretenait avec Mary.

Pour lui, cela était évident.