Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/378

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coup d’œil furtif sur les fenêtres de miss Emma, d’où souvent il avait aperçu la jeune fille lui faire un signe d’amitié.

Puis sa mère et sa sœur, que la fille de M. Berney avait voulu voir, lui avaient si bien fait son éloge sur tous les tons, que le pauvre garçon s’était laissé complètement envahir par un amour qu’il sentait bien sans issue, mais qu’il ne pouvait chasser de son cœur et qu’il y gardait respectueux et dévoué.

On comprend donc de quelles tortures avait dû être suivie pour lui la découverte que le frère de miss Emma était le séducteur de Mary, et que sa bonne action n’avait pour récompense que le déshonneur pour sa sœur et la honte pour lui.

Quant à Mary, aussitôt après le départ de son frère, elle s’était efforcée de reprendre un peu de calme, afin que sa mère ne pût s’apercevoir de rien.

Son roman à elle était celui de toutes les jeunes filles que la séduction trouve inexpérimentées et sans défense.

Miss Emma avait parlé à son frère du service que James lui avait rendu, de sa sœur si jolie, et la fatalité avait voulu qu’Edgar Berney se rencontrât un jour à la fabrique avec Mary.

Frappé de sa beauté, il l’avait suivie, et comme il était lui-même fort joli garçon, la sœur de James n’avait pu faire autrement que de le remarquer.

Bientôt, malgré elle, elle fit, entre Edgar et Tom, une comparaison qui ne pouvait être à l’avantage de ce dernier, et lorsqu’elle reçut du fils de M. Berney une lettre pleine de tendresse et de respect, comme le sont toutes les premières lettres d’amour, elle sentit son cœur vierge battre pour la première fois.

À cette lettre, d’autres plus enivrantes, plus pressantes succédèrent rapidement. Edgar demanda un rendez-vous ; Mary le lui accorda, et la pauvre fille ne résista pas longtemps à ce jeune homme passé maître en séduction et qui lui jurait un éternel amour.

L’histoire de ces chutes est toujours la même !

Rêves, abnégation, délire de l’ange qui succombe ; scepticisme, mensonges, duplicité du démon qui tente !

Il y avait déjà plus de trois mois que duraient ces relations entre Edgar et Mary, lorsque le hasard vint faire connaître à James une partie de la vérité.

Était-il trop tard ? la jeune fille était-elle irrémédiablement perdue ?

James n’en aurait pu douter s’il avait pu lire ce qui se passait au fond de l’esprit de sa sœur, pendant qu’accablé sous le poids de son infortune, il appelait inutilement le sommeil, c’est-à-dire quelques heures d’oubli.

Après la façon dont son frère l’avait quittée, après ce rendez-vous mena-