Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/400

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Le mulâtre et son compagnon avaient fait le tour de la salle en l’examinant avec le plus grand soin et en échangeant quelques mots dans une langue que Welly ne pouvait comprendre.

Lorsqu’il rejoignit le groupe, le visage du mulâtre exprimait une satisfaction évidente.

— C’est très-bien, dit-il, maître Bob ; on vous a promis vingt livres sterling, en voilà vingt-cinq ; laissez-nous !

Et tirant de sa poche un charmant petit carnet de cuir de Russie bourré de bank-notes, l’étranger en compta tranquillement cinq et les tendit au tavernier.

Celui-ci les prit en bégayant un remerciement, tandis que les yeux de Welly et de ses dignes amis s’arrêtaient avec convoitise sur les chiffons que l’inconnu glissait avec calme dans sa poche ; mais ils rencontrèrent ses regards profonds et chargés d’éclairs, et, instinctivement, ils comprirent qu’ils étaient bien vraiment en face d’un maître.

Quant à Bob, il n’avait pas attendu qu’un second congé lui fût donné ; il s’était immédiatement éloigné.

— Mes garçons, dit l’étranger, après quelques instants de silence, pendant lesquels il avait semblé passer en revue les misérables, je ne suis qu’à moitié content de vous. Ça ne marche pas bien ; vous vous endormez. Ce n’est pas la peine d’avoir passé chacun une douzaine d’années en prison pour savoir si mal son métier.

Les voleurs eurent tous un mouvement d’étonnement.

— Croyez-vous donc que je ne vous connais pas et que c’est au hasard que le mulâtre, comme vous l’appelez, vous a réunis par mes ordres, poursuivit celui qui parlait. Toi, Welly, tu as été condamné à dix années de déportation pour faux, et comme tu t’ennuyais à Sydney, ainsi que ton ami Cromfort, que voilà, qui avait été là-bas pour un joli coup de couteau donné à son patron, vous vous êtes évadés tous deux, il y a déjà trois ans. Vous avez été assez fin pour ne pas vous faire reprendre.

Les deux ouvriers de M. Berney, en se voyant parfaitement reconnus, se regardèrent avec stupeur.

— Quant à vous, continua l’étranger, en s’adressant aux quatre autres, je ne suis pas moins bien renseigné sur votre compte, Jack, pour vol et autres gentillesses, a vécu presque toujours dans les pénitenciers ; Morton, étant soldat, a, si je ne me trompe pas, tué un de ses camarades par jalousie ; Willems a une douzaine de petites condamnations sur la conscience, et notre ami Turn, qui cherche à cacher son visage, a été gratifié de dix ans de réclusion pour viol et infanticide. Pour votre camarade Jacobs, qui vient si sottement de se laisser arrêter la nuit dernière, c’était un rude gaillard. J’espère bien qu’il se tirera de là pour recommencer de nouveau.