Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/411

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Cela était cependant.

Un soir Sarah, ou plutôt Saphir, avait reçu la plus singulière des visites.

Une espèce d’intendant s’était présenté chez elle, lui avait demandé quel était son train de maison, combien elle dépensait par mois, ce qu’elle désirait pour être complètement heureuse, questions auxquelles elle avait répondu en riant, et son interrogateur lui avait dit :

— Mademoiselle, mon maître est riche, fort riche ; il doublera les chiffres que vous venez de me donner. Il est jeune, beau, de grande maison ; il vous laissera la plus complète liberté. Si cela vous convient, il aura dès demain l’honneur de vous voir.

On pense si la jeune femme avait été étonnée de cette proposition franche et brutale, mais elle s’était empressée d’accepter, par curiosité peut-être plus encore que par intérêt.

Elle s’attendait à voir se présenter chez elle quelque personnage splénique et morose, dont elle se promettait d’avance de rire et de se débarrasser rapidement.

Aussi fut-elle surprise et singulièrement émue lorsque, moins de vingt-quatre heures plus tard, sa femme de chambre lui ayant annoncé de comte de Villaréal, elle vit entrer dans son salon un cavalier d’une beauté étrange et d’une distinction parfaite, qui, après lui avoir galamment baisé la main, lui dit d’une voix douce et pleine de charme :

— Mademoiselle, vous êtes encore plus jolie que je ne le pensais, et, si vous voulez, nous allons devenir, dès aujourd’hui, les meilleurs amis du monde. Mon intendant vous a dit quelles sont mes intentions. Elles se résument dans une phrase : satisfaire à tous vos désirs. Je suis étranger à Londres, ou à peu près ; j’ai besoin d’une maison gaie, j’ai pensé à la vôtre, dont je ferai tous les frais. J’ai besoin d’une amie dévouée, voulez-vous être cette amie-là ? Je n’exigerai rien de vous en échange de tout ce que vous voudrez me demander, sauf une seule chose, cependant, c’est que vous ne changerez rien à votre genre de vie, ni à vos relations… les plus intimes. Je ne voudrais pas que ma présence pût faire couler une larme de vos beaux yeux, ni causât à votre cœur le moindre soupir.

— Vous voulez rire, monsieur le comte, avait répondu Saphir, tout en subissant déjà l’influence du regard plein de feu de celui qui lui parlait.

— Pas le moins du monde, avait-il poursuivi. Est-ce dit ? Oui, n’est-pas ? Eh bien, miss, tous les mois vous toucherez cinq cents livres ; plus, si cette somme ne vous suffit pas. En attendant, permettez-moi de vous offrir ces mille livres comme épingles, si vous le voulez bien !

Et, sans attendre la réponse de la jeune femme, il lui avait glissé dans la main un charmant petit carnet qui contenait cette somme en bank-notes.

Saphir était restée tout confuse, puis s’étant dit que, sans nul doute,