Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/416

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— C’est vrai ! miss Emma Berney, dit Villaréal aussi étonné que la jeune fille. Il faut la recevoir. Peut-être est-il arrivé quelque chose à son frère.

— Qu’est-ce que cela veut dire ? Vous ne vous en allez pas, au moins ?

— Du tout, je vous attends.

— C’est bien ! Jane, faites entrer cette dame au salon. Vous, comte, restez là ; les rideaux sont baissés, on ne vous verra pas.

— Mais j’entendrai.

— Est-ce que j’ai des secrets pour vous ! Ah ! je voudrais que vous n’en eussiez pas davantage pour moi.

En effet, le salon dans lequel Emma et James venaient d’être introduits n’était séparé du boudoir où se trouvait le comte que par des portières, que Jane laissa tomber avant d’introduire les visiteurs.

La fille de M. de Berney, en entrant dans la maison de cette courtisane, qui était la maîtresse de son frère, avait bien tremblé un peu, car elle ne se dissimulait pas tout ce que sa démarche avait de dangereux ; mais, en voyant apparaître cette belle jeune fille aux grands yeux limpides, à la physionomie franche et ouverte, elle fut tout à coup rassurée.

— Que puis-je pour vous mademoiselle ? lui dit Saphir en s’inclinant respectueusement devant Emma et en lui indiquant un siège.

À ce moment seulement elle aperçut James ; elle étouffa un cri d’étonnement et de douleur.

L’ouvrier, les yeux fixés sur Saphir, était lui-même fort pâle et singulièrement ému.

— Qu’avez-vous donc ? lui demanda miss Emma au comble de la surprise. Vous vous connaissez ?

— Oui, nous nous connaissons, répondit James, après un instant d’hésitation ; venez, miss Emma, nous n’avons rien à faire ici.

L’ouvrier s’était dirigé vers la porte du salon, l’avait entr’ouverte et il attendait que la fille de M. Berney voulût bien le suivre.

Mais Saphir alla rapidement à lui, et, le forçant à revenir sur ses pas, elle lui dit d’une voix émue :

— Comment, James, vous saviez que vous veniez ici chez une fille perdue, pourquoi ? je n’en sais rien ; il faut que ce soit pour quelque motif bien grave ; et parce que cette malheureuse est moi, votre ancienne amie d’enfance, vous ne la jugez plus digne de vous rendre le service que, peut-être vous veniez réclamer à une autre !

— Pardonnez-moi, Sarah… mademoiselle… répondit l’ouvrier ; mais je ne m’attendais pas à vous rencontrer, et ce que miss Berney voulait dire à mademoiselle Saphir, elle ne peut le confier à Sarah Thompson.

— Pourquoi ? Ne pouvez-vous donc plus avoir pour moi que du mépris ? Ah ! James, si vous saviez tout ce qui s’est passé, vous seriez moins